







Soulaines ou « Solanus » signifierait en latin « ensoleillé ». Nous n’avons pas pu le vérifier et c’est bien avec une petite « laine » et un parapluie que nous avons, malgré cette météo de fin d’hiver, largement apprécié la visite commentée du village de Soulaines Dhuys. Notre imagination nous permet de prédire un très grand plaisir pour ceux qui en bénéficieront par une température agréable et avec les couleurs des saisons plus clémentes.
Nous avons commencé par des écailles et nous avons terminé par des tuiles….
La visite du village en partant de la maison aux écailles où nous attendait notre accompagnateur, puis la découverte de la tuilerie poterie artisanale toute proche nous ont occupés toute l’après-midi jusqu’à l’heure ou il fallait hélas rentrer en raison du couvre-feu. La Venise Verte, surnom donné par Nicolas Desmaret, enfant du pays, savant renommé au XVIII ème siècle peut se visiter en autonomie avec l’aide du dépliant proposé par le bureau de tourisme se trouvant dans cette même maison spacieuse et accueillante, espace qui héberge également France Services et la médiathèque.
Mais vous gagnerez beaucoup à la faire dans le cadre d’une visite commentée par l’Office de Tourisme des Grands Lacs de Champagne qui vous ouvrira en particulier les portes de la Chapelle Saint Jean et de l’impressionnante église du XVI ème et qui vous enrichira de nombreuses explications, anecdotes et légendes sur cette petite cité riche de plusieurs œuvres classées aux monuments historiques.

La Laine, la Dhuys, le ru des Vignes
Il n’y a pas de gondoles sur les deux bras de la Laine ainsi que sur le ru des vignes mais à l’instar de Venise, c’est parfois l’ « acqua alta » nous dit-on. C’est le ru des Vignes, le faiseur d’inondations du village, montées d’eau de ruissellement parfois impressionnantes selon quelques clichés aperçus. Le débit de la Laine qui encadre de deux bras le village en aval de la Dhuys, résurgence d’eau en provenance du plateau de Langres est maîtrisée par des Vannes au niveau du moulin. Nous aurons des explications sur l’origine géologique de cette eau expulsée de galeries et de failles souterraines aux confins de la Champagne humide où se disputent l’argile et le calcaire.
La maison aux écailles
C’est le lieu d’accueil et de départ de la visite. Elle tire son nom des lamelles de bois qui recouvrent la façade. Son halloy, premier étage surplombant le rez-de-chaussée lui vaut son inscription aux monuments historiques. Il constituait un abri et un moyen de payer moins de taxes.

En sortant de la maison aux écailles, on passe le pont Henri IV, clé de voûte marquée 1607 côté amont et l’on observe la canalisation de la Laine parfois échancrée de passages destinés au lavage du linge. Un autre aménagement en pente douce de la rive permettait le passage des chevaux des gendarmes rentrant dans leur bâtiment qui se trouvait de l’autre côté de la rue.

La mairie, bâtiment dont la construction en briques marque la richesse de son ancien propriétaire qui en fit don à la commune après sans doute des négociations ardues où il a sans doute été question de droit de « vaine pâture » ou de « droit de glandage » jouxte l’ancienne prison. On ne peut pas se douter de la destination de ce bâtiment magnifiquement rénové si ce n’est par la rareté et l’étroitesse de certaines fenêtres. Entre ces deux bâtiments existait autrefois un restaurant.

Nous avançons le long de la mairie pour découvrir deux maisons remarquables à pans de bois champenois. L’une d’elle propose également son halloy tandis que l’autre, nous dit-on, renferme une fresque classée du XVI ème découverte lors de travaux de restauration par ses propriétaires. Les bardeaux recouvrant les façades sont-ils en bois de châtaignier ou d’acacia ? Cette question ne se pose plus que de manière anecdotique. Un passage qui se remarque à peine nous conduit dans les jardins potagers d’origine médiévale, parcelles entourées de murets tuilés protégeant du vent et du gel et se délimitant entre des sentiers étroits et pittoresques. Il n’y a encore pas de légumes à recenser… Nous débouchons sur un pigeonnier qui a la particularité d’y avoir fait cohabiter des poules en rez-de-chaussée.

La Chapelle Saint Jean
Admirable tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Elle s’inscrivait autrefois dans un ensemble qui comprenait une maladrerie et une léproserie. Elle est la plus petite des églises à pans de bois de la région.

Son entrée se fait sous trois arches trilobées. Une barrière retenait autrefois les lépreux à l’extérieur. Sa voûte rappelle la charpente d’un bateau et il n’est pas exclu qu’elle ait été construite par des charpentiers de marine en saison creuse de leur activité. Des dessins et peintures en pochoir parfois seulement esquissés décorent les parois. La scène un peu macabre de la décollation de Saint Jean nous est proposée au centre sous l’autel et sous un Christ « partiel » retrouvé en l’état lors de travaux.

L’église
Vue de loin, avec sa masse et son unique gargouille, l’église Saint-Laurent et Saint-Jean-Baptiste peut à priori ne pas être très attrayante, surtout en ce jour gris. Ce serait une erreur de se contenter de cette première impression. De style gothique flamboyant avec porche renaissance, elle peut occuper plusieurs jours les amateurs d’art religieux.

Elle impose dès son entrée un impressionnant volume vertical rappelant le château initial. L’escalier d’entrée menant au porche renaissance impose l’humilité. Les vitraux XVI ème et XIX ème sont éblouissants, certains très étonnants proposent un « patchwork » de scènes diverses desquelles il semble impossible de tirer une signification. Les autels proposent un très bel ensemble statuaire. Nous avons remarqué, grâce à notre guide, l’autel à gauche, plus sobre, dédié à Saint Nicolas qui nous rappelle la légende du père Fouettard de nos enfances, lorraines en particulier. Vous pourrez voir un bénitier campaniforme en fonte, une statue de Saint Anne et de la Vierge à l’enfant, une impressionnante Jeanne d’Arc… bref allez-y !

Le manoir, le moulin, le lavoir, la résurgence
Nous progressons vers une très belle bâtisse nommée le manoir, maison bourgeoise qui a abrité plus récemment l’école et la bibliothèque. Une belle charpente recouvre le lavoir dont le bassin était autrefois occasionnellement recouvert de planches pour accueillir des danseurs.
La perspective du moulin recouvert de vigne vierge à la belle saison devant le bassin de résurgence constitue la photo à ne pas manquer mais pour nous il faudra revenir si l’on souhaite ce cliché. Le moulin est désormais une maison d’hôte et son propriétaire reste responsable de la gestion des vannes. La légende sur l’origine du bassin est fort symbolique.
Nous voilà au bout de la visite commentée et nous sommes un peu trempés car la pluie a repris à la sortie de l’église. Nous nous réchauffons un peu en retournant à la maison aux écailles pour y détailler la fresque de Gérard Larguier qui a assemblé de manière très originale et sur tout un mur des fragments de, photos, textes, cartes postales et coupures de journaux. Les habitants de cette jolie cité y retrouvent leur histoire plus ou moins récente dans un désordre voulu et très artistique.

La tuilerie, poterie Royer
De nombreuses tuileries s’étaient installées dans la région, en raison de l’argile constituant son sol. A ce jour, il n’en reste que deux dont celle de Soulaines Dhuys.

Cette visite est incontournable si l’on dispose d’encore un peu de temps pour se laisser convaincre par la passion de six générations d’artisans qui ont su maintenir une tradition de fabrication et pourquoi pas acheter une céramique souvenir. Madame Royer est intarissable pour nous raconter la poterie qui tourne des objets divers, pour certains qui seront émaillés. La fabrique a une très grande réputation pour les épis de faitière et les oyas (diffuseurs d’eau). Eddy (qui est habitué à avoir sa photo sur les réseaux sociaux…) nous fait une démonstration tandis que la patronne nous explique qu’elle accueille de nombreuses personnes pour former ou initier. Puis nous visiterons la partie tuilerie qui nous impressionne par son côté musée, mais musée très opérationnel. Nous découvrons le circuit de la terre en provenance d’une carrière sur la route de Brienne et qui progresse vers la machine qui moule et extrude. Puis c’est le séchoir ou patientent de nombreuses tuiles, plates, rondes, en « oreille de cochons », des carreaux de tailles diverses. Ces produits sont attendus par des commanditaires attirés par la grande qualité et la réputation de cette fabrique. Nous terminerons par les explications sur le fonctionnement de deux fours parallèles qui chauffent à mille degrés plusieurs dizaines de mètres cubes par fournée.

Et comme par hasard quand on parle du feu dans les fours, il est temps pour nous de le couvrir…et de rentrer pour éviter l’amende.